la
nouvelle Renaissance
Le siècle qui vient de s'écouler a connu 3 évolutions majeures dans le domaine de la production et de la diffusion des informations et des créations de l'esprit: le cinéma, la vidéo et la télévision, l'imagerie numérique et l'Internet. Au moment même ou le XXe siècle
cède la place au XXIe, s'organise cependant une révolution
qui mérite certainement davantage ce nom que la "révolution
des images" dont nous parlent exclusivement les théoriciens officiels
et les médias paresseux. Cette véritable révolution,
encore largement ignorée, est celle des Nouvelles
Technologies de l'Objet, c'est à dire de la possibilité
de concevoir, de visualiser, de valider, de transmettre et de produire
des objets grâce à l'informatique, aux réseaux, aux
capteurs et aux imprimantes 3D. Dessiner ou saisir un objet à Paris,
l'étudier à Hongkong, le modifier à New-York et le
matérialiser à Brisbane, voilà qui est un peu plus
fort que d'envoyer sa photo par e-mail - ce que faisait déjà,
et sans l'Internet, M. Edouard BELIN et son bélinographe…en 1907!
Ces NTO - englobant la CFAO, les machines à commande numérique, le prototypage-rapide, la digitalisation 3D, les mondes virtuels…et qui joueront un grand rôle dans les nanotechnologies - annoncent la véritable société post-industrielle, dans laquelle la production de masse à l'identique finira par devenir une simple étape du progrès technique, étape utile certes mais finalement peu conforme aux désirs profonds des hommes qui aiment toujours à se différencier d'une manière ou d'une autre. Il fallait donc bien en arriver au sur-mesure industriel, à la "Mass Customization" - comme disent les américains. Bien évidemment, et même tout naturellement pour ceux qui connaissent un peu l'Histoire, les deux premières catégories d'individus intéressés par cette révolution sont d'une part les ingénieur et les chercheurs des entreprises high-tech, et d'autre part les artistes: sculpteurs, architectes, designers! Un des pionniers les plus fameux de ces
technologies, Pierre BÉZIER, de formation toute scientifique, lançait
déjà dans les années 60 l'idée de Sculpture
Assistée par Ordinateur, c'est à dire, au fond, les retrouvailles
de l'artiste et de l'ingénieur. Il faut d'ailleurs noter que le
même mouvement de convergence intéressait aussi le monde musical.
Ce n'est pas une coïncidence, mais l'échec
d'une société qui avait cru devoir séparer l'Art de
la Téchnê, au nom d'une sorte de romantisme bourgeois
qui ne visait - et ne vise toujours - qu'à marginaliser la figure
de l'artiste en être lunatique et solitaire, détaché
des réalités quotidiennes, se réservant à une
élite réjouie de lui préparer un grand destin culturel
et financier…généralement post-mortem.
Il faut l'avouer, bien des créateurs se sont complus, et se complaisent encore, de gré ou de force, dans cette marginalité redoutable pour l'avenir d'une civilisation. Même si l'idéologie institutionnelle, particulièrement en France, et le Marché de l'Art s'obstinent à dénigrer les artistes des "Nouvelles Technologies" en général et de la Sculpture Numérique en particulier, l'émergence actuelle d'une NOUVELLE RENAISSANCE est un processus irréversible et salutaire. En effet, les arts électroniques supposent la mise en œuvre d'un système d'Ateliers où la créativité artistique et le savoir-faire technologique se rencontrent autour de projets de collaboration nécessitant des équipes pluridisciplinaires. Bien entendu, ces ateliers sont à la fois des lieux physiques (laboratoire, école, usine…) et des groupes de participants généralement reliés entre eux par Internet et/ou visioconférence…car il s'agit le plus souvent d'un travail en réseau réunissant des personnes géographiquement éloignées les unes des autres. L'intérêt de ce type de travail est multiple:
D'un tout autre point de vue, celui de "l'élite" des médiocres, des ignorants, des conservateurs et des charognards que nous avons évoquée plus haut, l'artiste perd son âme à fréquenter la science et l'industrie. Vade retro, ars numerius ! Ces gens-là ont en effet bien à craindre que l'esprit de l'artiste de la Nouvelle Renaissance ne soit plus sous leur empire, et que les créateurs retrouvent en fait leur place et fonction dans la société, s'adressant directement à ses concitoyens - en se passant des "services" des circuits classiques de la critique et du marché de l'art. A l'heure du Home Studio informatique et du World Wide Web, il est temps d'œuvrer autrement, et de dépasser la vieille lune de la pièce unique fabriquée de la main de l'artiste un soir d'hiver dans sa mansarde glacée! Non point que la situation de l'artiste soit aujourd'hui idyllique: hier on cherchait de quoi acheter un tube de couleur, aujourd'hui on cherche de quoi acquérir un Mac, un PC ou un logiciel - Mais l'éventail des possibles est extraordinaire, tant du point de vue des outils que des concepts, avec par exemple cette réflexion à conduire (ou cette décision à prendre) sur la multiplicité, l'ubiquité et la protection des œuvres numériques… La Sculpture Numérique, ou Cybersculpture,
est probablement la discipline la plus en pointe dans la recherche et la
mise en place du Nouvel Atelier. Elle ouvre des perspectives fantastiques
- comme celle de nous faire dépasser l'opposition réel /
virtuel.
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